La COP24 peut-elle répondre à la crise des gilets jaunes?

HuffPost POLITIQUE
03/12/2018 02:32 CET | Actualisé il y a 8 heures

La COP24 peut-elle répondre à la crise des gilets jaunes?

Si tout semble opposer cet événement international et ce phénomène social, il y a des liens clairs entre justice sociale et lutte environnementale.

La COP24 débute ce lundi 3 décembre.
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La COP24 débute ce lundi 3 décembre.

CLIMAT - Ce lundi 3 décembre a lieu le coup d'envoi de la COP24 en Pologne. Trois ans après celle qui s'est déroulée en France, cette conférence doit permettre à tous les pays signataires de l'Accord de Paris de se mettre d'accord sur un "règlement" permettant d'appliquer au mieux les décisions nécessaires pour tenter de limiter le réchauffement climatique à 1,5°C.

Dit comme ça, difficile de trouver un lien avec le mouvement spontané des gilets jaunes. D'un côté, un rendez-vous international visant à s'assurer que chaque État réduise ses émissions de gaz à effet de serre. De l'autre, une contestation liée au pouvoir d'achat et parti d'une grogne contre la hausse du prix des carburants... provoquée en partie par une taxe carbone dont le but est de financer la transition énergétique.

Pourtant, pour de nombreux chercheurs, y compris ceux du GIEC, le groupement de scientifiques experts sur le climat, mais aussi élus et membres d'ONG environnementales, il existe un lien direct entre lutte contre le réchauffement climatique et contre les inégalités sociales.

Transition écologique ET solidaire

 

L'Accord de Paris évoque ainsi les "liens intrinsèques" entre la lutte contre le changement climatique et l'élimination de la pauvreté. Et les actuelles propositions pour le règlement qui devrait être mis au point lors de la COP24 parlent plusieurs fois de ces questions, de l'impact social de la transition énergétique, de la pauvreté. Dans son dernier rapport spécial publié en octobre, le GIEC consacre même toute une partie au "développement durable, à l'éradication de la pauvreté et à la réduction des inégalités".

Pour limiter le réchauffement climatique, quels sont les efforts "sans précédent" à fournir?

 

"La justice sociale et l'équité sont des aspects fondamentaux" des politiques visant à limiter le réchauffement climatique à 1,5°C, précise le rapport. D'ailleurs, "une large majorité d'études n'ont pas réussi à construire de chemins" permettant de rester sous ce seuil sans une coopération internationale et une lutte contre la pauvreté et l'inégalité. Et le but des COP, justement, est de trouver un moyen de répondre aux signaux d'alarmes du GIEC.

Lors de la publication du rapport du GIEC, l'économiste au CNRS et l'un des auteurs, Jean-Charles Hourcade, affirmait au HuffPost qu'il est nécessaire "d'intégrer les politiques climatiques dans d'autres politiques sociales".

Il y a bien sûr les inégalités entre les pays, pour lequel un fond vert a été mis en place afin d'aider (à hauteur de 100 milliards par an) les pays en développement à réaliser leur transition énergétique. Mais il ne faut pas non plus oublier les inégalités nationales. D'ailleurs, Nicolas Hulot affirmait, lors de sa prise de fonction, qu'il avait insisté pour que son ministère soit celui "de la Transition écologique ET solidaire".

"Pas de fiscalité écologique sans justice sociale"

 

Et justement, c'est ce qu'aurait oublié Emmanuel Macron avec cette crise des gilets jaunes, selon Celia Gautier, de la Fondation pour la Nature et l'Homme: "Le gouvernement devait apporter une réponse essentielle avant la COP24 à la crise sociale. Lorsqu'une partie du corps est malade, laissée à l'abandon, il ne peut pas marcher et faire la transition écologique. Mais le gouvernement a laissé cette partie du corps en souffrance, sans apporter de réponse".

"Nous avions prévenu le gouvernement: il n'est pas possible d'augmenter la fiscalité écologique sans justice sociale", abonde Morgane Creach, du Réseau Action Climat (RAC), interrogée par Le HuffPost. Les ONG ont plusieurs idées pour aider les ménages en difficulté face à la hausse du prix du carbone, nécessaire à toute transition énergétique.

Dans les transports et le chauffage des foyers (deux tiers de nos émissions de CO2), Morgane Creach propose ainsi des solutions de long terme (transports en commun, lutte contre l'étalement urbain, rénovation des passoires énergétiques), mais aussi des mesures d'urgence. "Il faut des aides financières pour les ménages modestes. Pour le logement, il faut augmenter le chèque énergie, qui est actuellement insuffisant. Pour les transports, il faut une aide également, mais uniquement pour ceux qui n'ont pas d'autre alternative", précise-t-elle.

La question du financement

 

Et pour financer tout cela? "Les recettes générées par la hausse de la taxe carbone doivent aller aux plus pauvres", affirme Celia Gautier. C'est également ce que proposent les signataires d'une tribune publiée le 14 novembre sur le HuffPost, membres d'ONG environnementales et sociales:

Les recettes des taxes sur les pollutions sont au cœur de la solution. Dès 2019, la taxe carbone pourrait rapporter 2,8 milliards d'euros de plus qu'en 2018. Et en 2022, la taxe carbone rapportera 15 milliards d'euros de plus qu'en 2017, et ce, sans même prendre en compte la suppression, qu'il faut viser, des exemptions actuellement accordées à des secteurs pourtant ultra-polluants, de l'aérien au transport de marchandises sur route.

Pour autant, la contestation des gilets jaunes ne peut être limitée à une grogne contre la transition énergétique, loin de là, affirme dans un autre article Lola Vallejo, directrice du programme Climat de l'Institut du Développement Durable et des Relations Internationales (IDDRI). "La revendication des gilets jaunes est protéiforme et concerne également l'érosion du pouvoir d'achat des catégories modestes et moyennes, exacerbé par un contexte d'aggravation des inégalités sociales et territoriales."

La COP24 ne résoudra pas d'un coup la crise des gilets jaunes. Mais si les bonnes règles sont établies, elles pourraient permettre aux différents États de réaliser une transition environnementale nécessaire pour éviter des catastrophes terribles, tout en accompagnant les populations fragiles dans cette gigantesque révolution que la planète doit prendre à marche forcée.

 

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