Daniel Pauly, professeur de biologie marine affirme qu’il n’est pas trop tard pour préserver la vie dans nos océans. Il plaide pour une pêche artisanale.
Ce n’est pas un problème si ardu ! L’océan –
dont c’est la journée mondiale ce samedi –, pourrait encore se repeupler, en partie, si on laissait les stocks de poissons se reconstituer, souligne Daniel
Pauly, sommité de la biologie marine, dont les travaux ont révélé l’ampleur de la surpêche mondiale.
A 73 ans, le Français, professeur à Vancouver, multiprimé, expert ès-ressources marines, continue à étudier et à diffuser au plus grand nombre.
C’est « une obligation morale de participer à la
vie, à la société civile », dit ce scientifique engagé, dont la vie épique est retracée dans une biographie, Un océan de combats, signée de l’océanographe David Grémillet
(éd. Wildproject).
Moins compliqué que le climatL’histoire que ces travaux racontent, telle qu’il la résume, est vertigineuse : elle commence en 1880« avec les premiers chalutiers à vapeur anglais. En dix ans, ils
épuisent les poissons autour des îles britanniques, alors ils partent au large. Pareil en France, et ailleurs. Au large, c’est en Patagonie, en Afrique, en
Antarctique, partout… C’est l’expansion . Or sur une planète finie, cela veut dire que ça va se casser la figure un jour ! »
« On liquide les stocks, puis on va ailleurs. C’est comme la pyramide de Ponzi, poursuit-il. Dès les années 90, les nouveaux stocks, plus rares, ne compensent plus les pertes. Aujourd’hui, tous sont exploités, et c’est le déclin de la pêche ». Pourtant, contrairement au climat par exemple, « ce n’est pas un problème vraiment compliqué ».
« C’est une question de subventions, qu’il faut abolir, de quotas, qu’il faut un peu baisser, et de préférences pour la pêche artisanale plutôt qu’industrielle. Les poissons réagissent bien. Si la législation est bien conçue, les stocks se remettent . »
Daniel Pauly n’a pas de mot assez dur pour la politique européenne en la matière. « Les pays ont décidé d’une compétition à outrance pour ce qui reste, pour le fond du tonneau. Par exemple la Commission européenne avait décidé il y a quelques années de reconstituer les stocks, et il y a eu amélioration, et là, elle va recommencer avec les subventions pour moderniser les flottes. C’est impensable ! » Les politiques « ne comprennent pas, ou ne veulent pas comprendre, quand nous disons vous attraperez plus en pêchant moins ». Daniel Pauly sera samedi au Museum d’histoire naturelle à Paris, pour la journée mondiale de l’océan. Il doit aussi rencontrer la ministre des DOM-TOM, à qui il offrira « un cadeau » : un bilan des pêcheries de l’outre-mer français. Là encore, le constat est sombre.
Alors quel poisson mangerons-nous dans quelques années ? « Du surimi et des méduses !, répond-il, plaisantant à moitié. En France, on aura toujours du poisson car on achètera tous ceux qu’on trouvera. Mais si “ nous ” c’est le monde, c’est un autre problème. »
Il invite le consommateur à s’engager. Mais choisir le contenu de son assiette ne suffit pas, si tant est qu’on s’y retrouve devant des écolabels limités. « Il faut identifier le poisson comme cause à faire avancer, un enjeu politique. Ensuite à l’État d’orienter. »
Lui poursuit ses recherches, sur l’oxygène et la croissance des poissons, sujet aussi lié au climat. Dans quelques jours, il enseignera en Chine, premier pays de pêche. Plein d’espoir quand même : « Ils ont poussé leur pêche nationale, et c’est la cata. Mais la Chine est un pays qui entend et répond aux idées. »
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