“Fin du monde, et si c’était sérieux ?” : la collapsologie vue par “Complément d’enquête”

Publié le 20/06/2019.dans Télérama

 

“Complément d’enquête” s’empare de l’effondrement de notre civilisation. La collapsologie fédère scientifiques de renom, citoyens pragmatiques et authentiques dingues. Sérieux ?

Fin du monde, et si c’était sérieux ? On aurait ri, il y a peu de temps encore, d’un sujet de reportage aussi crépusculaire. Et puis, de canicules en catastrophes naturelles, d’extinction annoncée des espèces animales en épuisement des sols, on a peu à peu dressé une oreille à cette petite musique funèbre. Complément d’enquête s’en saisit ce soir, à sa façon, patchwork de séquences informatives plus ou moins grossières, le tout formant une étrange mayonnaise. En tout état de cause, le magazine acte une prise de conscience collective, à des niveaux d’acuité différents. Et oscille entre rationalité et scénarios cataclysmiques.

Tout commence dans le jardin du manoir d’une certaine Clem à l’écran, héroïne d’une série (neuvième saison) de TFI, soit Lucie Lucas à la ville. La comédienne pose d’emblée : « Mes trois enfants n’atteindront peut-être pas leur majorité […]. Nous n’aurons bientôt plus de pétrole, plus d’eau douce, le système est malade, manque de sens, il va s’écrouler. » D’où son choix d’investir dans cette belle demeure au vert, où elle envisage d’exploiter vergers et potagers pour nourrir sa famille et les habitants des alentours lorsque notre monde aura basculé. A quel horizon ? C’est toute la question.

Pour Pablo Servigne, 40 ans, ingénieur agronome et docteur en biologie, auteur de plusieurs best-sellers (1), le développement durable est déjà une notion dépassée, l’effondrement (le collapse, donc), c’est pour demain. Pas pour la génération qui suivra, mais bien pour celle des adultes d’aujourd’hui qui vont très vite s’y trouver confrontés. L’auteur-ingénieur multiplie les conférences et les interviews dans de grands médias, séduisant au cours de ses conférences nombreuses un public jeune et convaincu de l’imminence de la fin de notre civilisation industrielle. Le climatologue Jean Jouzel, lui, propose un peu plus de marge : dix à quinze ans pour réagir. La question n’est plus de savoir qui croire, mais plutôt de savoir quoi faire.

« Les systèmes politiques, économiques et juridiques ne veulent pas changer », constate Pablo Servigne. S’ensuivent des portraits de citoyens qui prennent leur destin en main. Sur la page Facebook « Adopte un collapso », des couples se forment dans une communauté de vues : se réapproprier les savoirs anciens, apprendre la permaculture, s’organiser en réseau d’entraide pour survivre dans l’après. Tous misent sur une vie à la campagne, confirmant une tendance bien réelle à quitter les villes pour se rapprocher de la terre et retrouver du sens dans cette proximité avec la nature. Voilà sans doute les séquences les plus enthousiasmantes, où l’on croise d’anciens banquiers ou informaticiens réinventant une forme de collectif, champêtre.

On croise encore Yves Cochet, ex-EELV et collapsologue français de la première heure, persuadé que l’« hippomobile » remplacera sous peu l’automobile, dans un ironique retour de manivelle. Ou Edouard Philippe, Premier ministre, qui se dit « obsédé » par le collapse depuis qu’il a lu l’essai d’un géographe et biologiste américain, Jared Diamond (2). On aurait aimé en savoir plus, qu’on creuse les écarts entre l’« obsession” » de Philippe et sa politique… Non, ce reportage propose beaucoup de survol et aucun approfondissement. Avec, en prime, des séquences auprès d’Américains en arme qui n’apportent rien, si ce n’est une perte de crédibilité du sujet. Dommage.

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