Par Sarah Sermondadaz le 22.11.2018 à 10h13 Dans Sciences et avenir
Une étude publiée dans Nature Climate Change explore les effets combinés des aléas provoqués par le réchauffement climatique. Au total, les chercheurs ont dénombré pas moins de 467 menaces différentes.
Incendies, inondations, canicules, sécheresses... On connaissait le mythe des 10 plaies d'Egypte. Mais avec le réchauffement climatique, ce ne sont pas moins de 467 menaces d'origine climatique (en combinant catastrophes naturelles, facteurs sanitaires, sécurité alimentaire, ou encore les dangers liés à nos infrastructures) qui nous guettent, selon une étude internationale publiée dans la revue Nature Climate Change. Pour identifier ces 467 combinaisons d'aléas climatiques, les chercheurs se sont appuyés sur pas moins de 3.000 exemples déjà documentés par la littérature scientifique, tous listés sur une page web, qu'ils ont passé au crible à l'aide de techniques de data mining (extraction de données).
Des impacts multiples sur tous les systèmes humains
Les 23 auteurs de la publication, dont certains ont participé à l'élaboration de rapports du Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat (GIEC), revendiquent une approche systémique (c'est-à-dire relative à un ensemble de causes interdépendantes plutôt qu'à une cause unique) des désordres causés par le réchauffement climatique. "Notre santé dépend de facteurs multiples : accès à un air non pollué, à une nourriture saine, à un logement décent", détaille dans un communiqué le professeur Jonathan Platz, co-auteur de l'étude et directeur du Global Health Institute à l'université du Wisconsin."Sans approche systémique, nous ne pourrons jamais prendre la mesure du risque. Par exemple, si l'on ne prend en compte que les menaces directes, comme les vagues de chaleur ou les orages violents, nous serons inévitablement pris par surprise par d'autres menaces, qui combinées, peuvent avoir un impact social accru".
DOUBLE PEINE. Quelques exemples : les feux de forêt, en dégradant la qualité de l'air (comme on le voit aujourd'hui en Californie), mettent en danger le système de soin, en provoquant un afflux massif d'admission aux urgences. Les vagues de chaleur dégradent également le rendement des céréales, d'où des tensions possibles sur la sécurité alimentaire et des risques de conflits sociaux. En découle une forme de double, voire multiple peine en cas de catastrophe climatique. "Le problème des émissions de gaz à effet de serre, c'est qu'elles intensifient simultanément plusieurs aléas qui se sont déjà révélés dévastateurs par le passé", rappelle Camilo Mora, professeur associé de géographie à l'université de Hawaï, auteur principal de cette étude. "D'autant plus que les désastres - et leurs effets - peuvent se cumuler : en 2017, la Floride a connu une sécheresse extrême, plus de 100 feux de forêt, ainsi que l'ouragan Michael".
Les principaux domaines impactés par le réchauffement climatique, avec le nombre d'aléas identifiés par les chercheurs (cliquer pour ouvrir en grand dans une nouvelle fenêtre)
Une carte interactive pour visualiser les risques (voir plus bas)
Afin de faire prendre conscience de la menace, ces scientifiques ont également développé une carte interactive. On peut y simuler le nombre de menaces climatiques (sur les 467 identifiées) qui pèseront sur un territoire données entre aujourd'hui et 2100, le tout en pouvant ajuster les hypothèses de réchauffement, du plus optimiste au plus pessimiste. "La preuve des effets du réchauffement climatique est déjà là", estime dans un communiqué Daniele Spirandelli, également co-auteur. "La question est de savoir de combien de cris d'alerte allons nous avoir besoin avant de nous réveiller" ?
Carte interactive du réchauffement climatique établie par le MoraLab de hawaï
Cliquez ici : https://maps.esri.com/MoraLab/CumulativeChange/index.html
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LE RAPPORT GLACANT DU GIEC
Par Aude Massiot — 7 octobre 2018 à 20:06 JOURNAL LIBERATION
Le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat rend publique ce lundi sa première étude sur les effets d’un réchauffement de 1,5 °C des températures mondiales. Cette limite que 197 Etats s’étaient engagés à respecter fin 2015, lors de la COP 21, aura tout de même de graves conséquences sur la planète.
Le rapport glaçant du Giec
Al’issue d’une semaine de négociations ardues à Incheon, en Corée du Sud, le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (Giec) publie ce lundi un rapport très attendu sur le réchauffement mondial de 1,5°C (par rapport à l’époque préindustrielle). Commandé au Giec lors de la conférence des Nations unies de décembre 2015 en France (COP 21), c’est le premier rapport spécial jamais produit. Il donne à voir l’état de notre planète si l’accord de Paris rédigé lors de cette conférence était respecté. Ce traité international, signé par 197 Etats et ratifié par 188, vise à faire le maximum pour limiter le réchauffement du climat provoqué par les activités humaines à 2 °C, voire 1,5 °C. La rédaction des 250 pages a nécessité la participation de 86 auteurs principaux de 39 pays (seulement 39 % de femmes) et de dizaines d’experts pour la relecture. Sa structure et son contenu sont validés par l’ensemble des gouvernements membres. Ce n’est donc pas uniquement un travail scientifique, mais aussi le résultat des orientations nationales de la plupart des Etats. Les conclusions du texte sont publiées ce lundi pour aider les Etats à augmenter leurs ambitions climatiques en vue de la COP 24, organisée en décembre en Pologne.
Que nous enseigne ce nouveau rapport ?
Les émissions de gaz à effet de serre (GES) des activités humaines sont la principale cause du réchauffement climatique. Il n’y a plus de doute là-dessus. Ce dernier se produit à un taux de 0,17 °C par décennie depuis 1950. Ainsi, au rythme actuel, le monde connaîtrait une hausse de 1,5 °C de la moyenne des températures entre 2030 et 2052. En 2017-2018, nous avons déjà atteint 1 °C d’augmentation du mercure depuis l’époque préindustrielle. L’objectif de l’accord de Paris est donc de ne «gagner» que 0,5 °C maximum d’ici à 2100. Pourra-t-on y arriver ? «Notre mandat est d’être descriptif et non prescriptif», rappelle Jean-Charles Hourcade, économiste au Centre international de recherche sur l’environnement et le développement (Cired), et l’un des principaux auteurs du rapport. «Le rôle du Giec n’est pas de déterminer si 1,5 °C est faisable, ajoute Henri Waisman, chercheur à l’Institut du développement durable et des relations internationales (Iddri), corédacteur du rapport. Rien dans la littérature scientifique ne dit que c’est infaisable, alors nous présentons les conditions nécessaires pour y arriver. C’est ensuite aux décideurs de prendre leurs responsabilités.» Or la trajectoire est mal engagée pour limiter la hausse à 1,5 °C. Même si les Etats respectent leurs engagements pris à la COP 21, ce qui n’est pour l’instant pas le cas pour la majorité des pays, la planète se réchaufferait de 3 °C d’ici à la fin du siècle. Ce qui entraînerait des catastrophes irréversibles autant pour les humains que pour beaucoup d’autres espèces vivantes. Pour ne pas discréditer l’accord de Paris, le groupe intergouvernemental a envisagé des scénarios où l’on dépasserait les 1,5 °C, avant d’y revenir avant la fin du siècle. Cela nécessiterait le développement et l’utilisation à grande échelle de techniques de capture du CO2 pour produire ce qui est appelé «émissions négatives». Seulement, pour l’instant, les technologies sont embryonnaires. Reste les forêts et les sols, et leur capacité à capter et garder le carbone. «S’appuyer sur l’usage massif de la biomasse pour stocker le CO2 pourrait induire des tensions avec des objectifs de développement durable, notamment concernant la production agricole, dont les surfaces utilisables se verraient limitées, détaille Henri Waisman. Cela exacerberait la compétition pour les sols.»
Quelles sont les projections climatiques mises en avant ?
Un des principaux intérêts de ce rapport est qu’il compile les connaissances scientifiques sur les répercussions d’un réchauffement de 1,5 °C par rapport à 2 °C. Cela n’a jamais été fait auparavant. Même si on respecte l’accord de Paris, les territoires les plus vulnérables pourraient ne pas avoir le temps de s’adapter. C’est le cas des petites îles situées au niveau de la mer. Ce dernier devrait continuer à monter pendant plusieurs siècles. Et sous la surface, les océans subissent déjà des changements sans précédent. Des basculements pour certains écosystèmes devraient être observés dès + 1,5 °C. Les espèces dépourvues de capacité à se déplacer assez vite souffriront d’une importante mortalité. De même, il faudrait des millénaires pour lutter contre les changements dans la chimie océanique produits par l’acidification.
Dans un monde à + 1,5 °C, le changement climatique affectera tous les territoires, peu importe leur niveau de développement, mais spécialement les plus pauvres. Par ailleurs, déjà plus d’un quart de la population mondiale vit dans des régions où le thermomètre dépasse de 1,5 °C la température moyenne au moins une saison par an. L’hémisphère Nord souffrira le plus de la multiplication et l’intensification des vagues de chaleur. «Nous sommes face à un risque de voir le sud de l’Europe basculer dans une désertification d’ici à la fin du siècle, souligne Pierre Cannet, de l’ONG WWF. Le précédent rapport du Giec, publié en 2014, était déjà clair sur le fait qu’atteindre + 2 °C est un point de non-retour.» Les risques d’inondation et de sécheresse seraient aussi renforcés, touchant principalement l’Amérique du Nord, l’Europe et l’Asie. Les cyclones tropicaux deviendraient plus violents.
Le retard dans la transformation sociétale entraîne déjà des effets irréversibles pour certaines parties de la Terre. Et la situation sera bien pire si on atteint + 2 °C de hausse des températures. «Chaque dixième de degré de réchauffement supplémentaire porte en lui un risque mortel», interpelle Emilie Both, porte-parole d’Oxfam France.
Quelles solutions sont favorisées ?
Bien que ce ne soit pas son rôle initial, le Giec présente certaines solutions pour respecter le + 1,5 °C. Ce chapitre est l’objet des principales crispations des Etats. Comme le montre un document récupéré par le site Climate Home News, les Etats-Unis veulent mettre l’accent sur les techniques de capture de CO2, sur lesquelles ils sont à la pointe. Ils misent sur leur développement pour faire moins d’efforts de réduction des émissions de GES.
En outre, dans son rapport, le Giec souligne à plusieurs reprises la nécessité de réduire drastiquement la demande en énergie des bâtiments, de l’industrie et des transports. Les émissions de GES mondiales doivent quant à elles baisser de 45 % d’ici à 2030 (par rapport à 2010) et la part des énergies renouvelables pour l’électricité passer à 70 %-85 % en 2050. Le rapport met aussi en lumière que la réduction de la pollution de l’air permet de limiter le réchauffement et d’améliorer la santé humaine, tout comme la qualité de l’environnement.
Crucial, un paragraphe est consacré à l’indispensable implication du secteur financier dans la lutte contre le dérèglement climatique. «Ce rapport montre qu’un changement sociétal profond est nécessaire, insiste Pierre Cannet, de WWF. Pourtant, la transition écologique en France et en Europe reste à ses balbutiements. L’humanité est confrontée à une nouvelle guerre, cette fois contre elle-même. D’ici à 2040, nous aurons perdu la bataille si des mesures ne sont pas prises et intensifiées.»
Aude Massiot
Will Steffena, n ° 1, Johan Rockströma, Katherine Richardsonc, Timothy M. Lentond, Carl Folkea, et Diana Liverman,Colin P. Summerhayesg, Anthony D. Barnoskyh, Sarah E. Cornella, Michel Crucifixi, j, Jonathan F. Dongesa, k,Ingo Fetzera, Steven J. Ladea, b, Marten Schefferl, Ricarda Winkelmannk, m. Et Hans Joachim Schellnhubera, k, m, 1.
Edité par William C. Clark, Université Harvard, Cambridge, MA et approuvé le 6 juillet 2018 (reçu pour examen le 19 juin 2018).
Résumé : Nous explorons le risque que les rétroactions auto-renforçantes puissent pousser le système terrestre vers un seuil planétaire , seuil qui, s'il était franchi, pourrait empêcher la stabilisation du climat à des températures moyennes et provoquer un réchauffement continu conduisant vers une «planète étuve » alors même que les émissions humaines seraient réduites.
Dépasser ce seuil conduirait à une température globale moyenne beaucoup plus élevée que tout les ages interglaciaires du passé de ces dernières 1,2 million d’années et à un niveau de la mer nettement supérieur à celui de l’Holocène. Nous examinons la preuve qu'un tel seuil puisse exister et à quel niveau le placer . Si le seuil est franchi, la trajectoire qui en résulterait entraînerait probablement de graves perturbations des écosystèmes, de la société et des économies.
Une action humaine collective est nécessaire pour éloigner le système terrestre de ce seuil potentiel et de le stabiliser dans état interglaciaire habitable.
Une telle action implique la gestion de l’ensemble du système terrestre - la biosphère,
le climat et les sociétés - et pourrait inclure la décarbonisation de l’économie mondiale, la valorisation de la biosphère, les puits de carbone, les changements de comportement, les innovations technologiques, les nouvelles modalités de gouvernance et les valeurs sociales.
Conclusions :
Notre approche systémique , axée sur les boucles de rétroaction , les points de basculement,
dynamique non linéaire, a répondu aux quatre questions posées
dans l'introduction.
Notre analyse suggère que le système terrestre pourrait se rapprocher
d'un seuil planétaire qui pourrait se verrouiller dans une voie rapide et continue
vers des conditions beaucoup plus chaudes transformant le système terrestre en planète étuve . Cette trajectoire serait propulsé par de fortes rétroactions bio-géophysiques intrinsèques
difficile à influencer par les actions humaines, une trajectoire qui ne pourrait être
inversé, dirigé ou sensiblement ralenti.
Il est incertain de savoir s’il existe un tel seuil, mais il pourrait être atteint seulement en quelques décennies arrivées à une élévation de la température de 2,0 ° C par rapport à la période préindustriel,
et ce qui pourrait pourrait donc être le cas si l'on reste dans les objectifs de 2,0° C fixés par l'Accord de Paris.
L’impact d’une trajectoire vers la ''planéte étuve '' sur les sociétés humaines serait probablement massive, parfois brutale et sans aucun doute perturbatrice.
Éviter ce seuil en créant un chemin de Terre stabilisée ne peut être atteint et maintenu que par un système coordonné, délibéré effort des sociétés humaines pour gérer nos relations avec le reste du système terrestre, reconnaissant que l'humanité est une partie intégrante, composant en interaction du système. L'humanité est maintenant faire face au besoin de décisions et d’actions critiques qui pourraient influencer
notre avenir depuis des siècles, voire des millénaires .